Quand elle taff pas Roxanne, elle fout rien de ses journées. Elle va dans sa chambre, ouvre les fenêtres, parfois allume la lumière, quand il fait trop noir, parce qu'elle supporte pas le noir et elle mate le plafond pendant des heures. Aujourd'hui on est mardi et y'a pas exception. Il est 19h, peut-être un peu plus, Noreen sa coloc s'est barrée depuis des heures maintenant pour son job de pompier. Roxanne, elle aime bien Noreen, parce que quand elle est là, elle se sent moins seule, moins pathétique. Et quand elle est pas là, ou qu'elle est juste trop occupée pour lui tenir compagnie, Roxanne sombre dans sa solitude. Pourtant, elle est pas le genre de personnes qui aiment trop parler ou avoir de l'attention, c'est une solitaire Rox. Mais une solitaire qui préfère être entourée. Parce que quand y'a des gens autour, elle ne cède pas à ses démons, elle ne les laisse pas la bouffer toute crue, elle résiste, ils s'en vont. Pour l'instant, elle s'est montrée assez courageuse, elle s'est pas encore endormie, elle a pas encore crié. Elle est à la surface pour au moins encore trois heures. Allongée sur le dos, sur son matelas pourri, elle réfléchit à cette phrase qu'elle a lut un jour dans un bouquin ou qu'elle a entendu quelque part, elle ne sait plus, avant que sa vie ne bouscule, quand tout était encore normal. C'est un gars qui avait dit que la mort n'est pas la pire chose dans la vie, le pire, c'est ce qui meurt en nous quand on vit. Roxanne n'est pas sûre s'il a raison. Elle n'arrive pas à savoir ce qui est pire. La mort de ses parents, ou sa petite mort à elle. Son décès de l'intérieur. Dû à une hémorragie de douleur et de tristesse. Elle n'est pas sûre non. Mais elle sait que l'un a déclenché l'autre et que maintenant y'a plus de retour en arrière. Elle sent sa gorge qui commence à se serrer mais elle n'a pas envie de pleurer. Elle ne pleurera pas. Plus maintenant, c'est trop tard de toute façon. Elle a pas pleuré le jour de leur mort, ni celui de leur semblant d'enterrement, ils ont même pas eut des putains de tombe. Non, elle chialera pas. A la place, elle se lève et sort de sa chambre en claquant la porte. Elle marche jusqu'à la cuisine, et remplis un verre d'eau. Elle voit la porte de la chambre d'Osiris s'ouvrir à son tour. Y'a un rire de femme qui en sort. Roxanne lève les yeux au ciel. Si seulement cette fille savait ce qui l'attendait au matin. Comme toutes les autres qui ont défilé pendant toute la semaine. Son nouveau coloc rentre dans la cuisine à son tour, il ouvre la porte du placard et prend la dernière boîte de biscuits de Roxanne qui se jette sur lui et la lui arrache des mains. « Mais ça va pas ! T'as qu'à bouffer ce que t'achètes toi même. Je m'en prends plein le cul moi pour remplir les placards.» Elle s’énerve vite Roxanne. Et le pire c'est que sa phrase est à moitié vraie. Ce qu'elle mange, c'est en baisant qu'elle l'a. Ça ne lui plaît pas plus que ça. Elle n'y prend aucun plaisir. Elle ne sait même pas si c'est humainement possible de prendre du plaisir en faisant un truc pareil, parce qu'elle, elle n'a jamais essayé du corps à corps avec qui que soit d'autres que ces clients. Mais elle doit faire des économies. Et qu'un connard en boxer qui s'apprête à plonger entre les reins d'une énième nana en chaleur, lui prenne ce qu'elle a sué pour avoir, ça n'arrivera pas.